L'hiver se faisait bien sentir, et le froid aussi. Le fort fourmillait toujours autant, malgré la température, les soldats cherchant à se réchauffer du mieux qu'ils le pouvaient en s'activant à maintes activitées qu'ils le pouvaient. Arnold ne dormait plus dans le boxe d'Ottawa depuis un moment déjà, préférant pour une fois la chaleur des quartiers qui étaient réservés aux nombreux hommes qui vivaient entre ses quatres palissades de bois, malgré leurs ronflements incessants la nuit...

Bref, du côté du gris, il restait paisiblement dans son boxe, une couverture qui le maintenait au chaud sur son dos, et du foin à volonté, comme la plupart des autres chevaux ici. Mis à part les quelques chanceux qui pouvaient sortir, sans glisser sur la glace et se blesser, comme le pie gris il y a quelques jours. Depuis, il reste cloîtré au boxe, au repos. Pour ce qui était de l'eau... c'était un autre problème. Les abreuvoirs étaient maintenant des blocs de glace, malgré les efforts des ouvriers à maintenir l'eau sous un état liquide. Le forgeron gardait sa forge allumée en tout temps, autant pour ceux qui avaient les doigts gelés à force de pelleter la neige qui couvrait le fort et les environs que pour tenter de faire fondre la glace pour ensuite la donner aux chevaux, une fois redevenue de l'eau. Le Colonel, de son côté, ne sortait que très peu, sauf pour s'occuper de Balios qui, lui aussi, préférait rester à l'intérieur de son boxe douillait de monture du Colonel plutôt que de risque de geler sa croupe.

Ce matin, Arnold sortit rapidement des quartiers des soldats, visiblement mécontent. Il grondait dans sa barbe, qu'il gardait longue à présent, d'où s'était déjà formés des stalactites de glace le temps de se rendre aux écuries. Il passa devant le boxe d'Ottawa, y jeta un coup d'oeil et lança une injure.

- T'as tout mangé ton foin déjà ?! M*rde !

Puis, il repartit chercher du foin, sous le regard ébahit du gris. Visiblement, le Grizzly s'était levé de mauvais poil, ce qui fit ronfler Ottawa des naseaux, boudant à son tour dans sa stalle. Le cheval de capture soupira, laissant à nouveau un nuage de buée exterioriser ses naseaux. Quelle poisse, cet hiver ! Puis, il retourna tenter de lécher le peu d'eau qu'il lui restait, qui avait eu le temps de geler depuis la dernière fois qu'il en avait bu. Il boîta quelques pas, le temps de se retourner vers son abreuvoir puis, une fois sa langue sortie pour boire, il la colla sur la glace, et celle-ci y resta prise ! Les oreilles collées contre son crâne, il tenta un henissement d'appel à l'aide, en vain. Quelques chevaux autour se mirent à rigoler, ce qui frustra le gris encore plus. Il devait attendre le retour d'Arnold, maintenant.

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'Hiver 2023' :

Heureusement, Reya arriva à la rescousse du pie gris qui, la langue toujours collée, observait du coin de l'oeil la vétérinaire entrer dans la stalle pour l'aider. La chaleur de la bouillotte le surpris, mais pas au point de s'arracher la langue de la glace. Il attendit aux côtés de la vétérinaire que la glace fonde un peu, entendit l'hennissement de Maestro qui les prévenait de l'arrivée d'Arnold puis, il le vit apparaître à son tour dans son boxe une balle de foin dans les mains, la tenant par ses cordes. Le soldat laissa tomber celle-ci, observant la blonde et son cheval, stupéfait. Il resta silencieux quelques secondes, un sourcil surélevé, se questionnant sur ce que faisait la vétérinaire et Ottawa ainsi. Il finit par comprendre, se tapa le front d'une main bêtement puis, lança enfin à Reya : 

- Tiens, Ottawa t'as encore trouvé du boulot ! Ça ne finit pas, avec cet hiver.

Il s'approcha, tout sourire, en posant sa main sur le garrot du gris, attendant que sa langue lâche enfin le morceau de glace. Cela ne prit que quelques instants encore et le gris pu remettre sa langue gelée dans sa bouche. Il machouilla comme s'il avait un mors dans la bouche pendant un moment, puis s'ébroua, comme si de rien était. Arnold rigola quelques instants en le regardant, puis se tourna vers la blonde, lui demandant : 

- Je suppose que tu es venu voir son entorse ? Ce ne s'est pas amélioré vraiment depuis l'autre jour...

Le Grizzly s'appliquait à s'occuper de l'entorse de sa monture mais, depuis la dernière visite de Reya, il n'avait pas vu de grosse amélioration. Au moins, le gris restait debout et mangeait toujours avec appétit, ce qui lui permettait de savoir qui allait bien malgré cela.

À vrai dire, Ottawa aimait bien Reya. Contrairement à d'autres chevaux, celui-ci restait presque parfaitement immobile à ses côtés, lui offrant la confiance la plus totale. Même si parfois, ses soins pouvaient être douloureux, comme les piqûres par exemple, il savait que ai le coeur d'Arnold s'appaisait lors de la présence de la vétérinaire, il savait donc lui aussi qu'elle était digne de confiance, pas comme les autres hommes du fort à qui il aimait faire peur ou jouer des tours.

Le soldat regarda la bouillotte dans les mains de la blonde quelques instants, avant de le retourner son sourire. Puis, les choses s'assombrirent à la mention de l'état du gris à la vétérinaire, et même Ottawa se doutait de la réponse de celle-ci. L'entier laissa Reya faire son inspection habituelle, profitant des quelques instants où elle tenait son antérieur entre ses mains pour enlever le poids qu'il tentait de garder le moins que possible sur celui-ci, ses derniers jours. Sa réaction ne trahissait pas, oreilles vers l'arrière et le visage crispé, signe que ce membre était toujours aussi douloureux. Une fois ses vérifications faites, même le gris tourna une oreilles attentive vers celle-ci, craignant le pire.

" Je suis désolée pour toi et Ottawa. C'est vrai que ça prend du temps à guérir, c'est normal. Mais je m'inquiète de son retour en activité, j'ai peur qu'il ne puisse plus tenir le rythme que lui demande ton travail ... "

À la fin de sa phrase, Arnold se retourna brusquement, portant ses mains sur sa tête, tournant le dos à sa monture ainsi qu'à la blonde. Colère et tristesse se mêlaient à ses gestes, alors qu'ils se colla contre la porte du boxe, impuissant. Les larmes se mirent à monter rapidement et, Arnold, le Grizzly comme tant aimait le surnommer, laissa couler sur ses joues quelques gouttes de désespoir. Était-il vraiment si près de la retraite ? Il refusait de l'affirmer lui-même. Ce fut entre deux sanglots que l'homme se retourna en disant :

- Excuse-moi Reya, je... ce n'est pas ce que j'espérais entendre, malgré mes doutes.

Il croisa ses bras contre sa poitrine, fixant le sol, déçu. Ottawa s'approcha lentement mais sûrement de son cavalier, frôlant ses bras croisés du bout des naseaux, comme pour s'excuser. Arnold leva ses mains vers l'étalon, caressant son chanfrein avec délicatesse.

- Ce n'est pas de ta faute, Otta'... c'est peut-être un signe. On va devoir aller vivre au ranch, on va y vivre une retraite tranquille, je te l'assure.

La main que posa Reya sur son épaule le reconforta quelque peu. Il savait autant bien qu'elle que sa réputation au sein du fort ne lui permettait pas de se rapprocher autant de celle-ci, pas dans cet endroit. Il aurait espérer pouvoir l'enlacer dans ses bras quelques instants, laisser couler sa peine sur son épaule comme un enfant le ferait avec sa mère, mais ce n'était pas possible. Arnold croisa enfin les bras sur sa poitrine, puis baissa les yeux au sol avant de venir essuyer les larmes qui coulaient sans cesse de sa main droite. Il répondit en relevant les yeux vers les siens, timide :

- Si cela ne te gêne pas, j'aimerais bien, oui.

Il prit quelques instants avant de quitter l'écurie pour caresser Ottawa, le rassurant un peu lui aussi. Ce n'était pas de sa faute, le temps les rattrapaient, malheureusement. Et le gris pouvait comprendre, mais restait la déception de devoir quitter le fort pour des tâches moins fatiguantes. L'heure était venue de se reposer, enfin.