Black Jack ne bougea pas d’un poil tandis que Narcisse lui lançait son poing à la figure. Il savait parfaitement qu’il avait mérité une telle réaction de sa part et se contenta de le fixer pendant qu’il exprimait sa rage tout en continuant à chercher à le frapper. Le solitaire se contenta seulement de bloquer les coups les plus violents, le reste, il se laisser frapper pour encaisser toutes l’amertume de Narcisse. C’était peut-être cruel de le pousser à bout ainsi, une punition que le jeune ne méritait pas, encore une fois Black Jack était un égoïste qui cherchait à ce que la haine de l’autre le punisse pour avoir échoué à ses devoirs auprès de Pandora.

Il regarda Nicklaus prendre le relais sur la situation en commençant à se sentir vraiment vide à l’intérieur. Qu’est-ce qu’il venait de faire ? Il était impardonnable vraiment ! Incapable de se tenir ! Il n’aurait pas dû pousser le bouchon si loin. Et pourtant, peu importe combien de fois il croisait Narcisse, il n’apprenait toujours pas de ses erreurs. Il resta debout l’air un peu ailleurs jusqu’à ce que Taima arrive près de lui pour finalement tourner la tête et la regarder.

« On avait des choses à régler je crois … »

Dit-il tandis que sa lèvre percée saignait laissant une trace sur son menton.
Sa mâchoire lui faisait un mal de chien. Même si Narcisse n’avait pas tapé fort, il avait visé l’articulation, et c’était assez douloureux.

Sans dire quoi que ce soit, Black Jack suivit son amie en direction des toilettes. Il valait mieux en effet, quitter la fête un moment pour aller nettoyer son visage couvert de sang. Il ne voulait pas traumatiser la foule d’avantage. Une fois dans les sanitaires, Black Jack regarda son visage dans le miroir en vérifiant chaque profil.

« Il m’a pas loupé le gamin ! Plus solide que je le pensais. »

Dit-il en souriant légèrement.
Taima aller sans doute lui passer un savon, fortement mérité, mais il ne pouvait s’empêcher de reprendre son attitude malicieuse.

Ce qu’il tenait mal ? Disons les deux. Jean n’avait jamais bien su tenir l’alcool, surtout le whisky, et maintenant qu’il commençait à comprendre ses sentiments envers Nicklaus, c’était la proximité qui commençait à le rendre agité. Il ne fallait pas croire, le blond avait beau être un officier qui donnait l’impression d’avoir tout vu, il n’en restait pas moins un grand timide qui ne savait que faire de ses émotions. L’amour ? Il ne connaissait pas vraiment cette notion, alors comprenez bien que de se rendre compte aussi soudainement qu’il y avait de l’électricité dans l’air lorsqu’il était proche du barman, cela avait le don de le déstabiliser.

« Je te suis. »

Répondit-il à l’invitation de Nicklaus.
L’officier suivit son ami à travers la foule, se frayant tant bien que mal un chemin derrière le barman qui donnait l’impression d’avoir fait ça toute sa vie. Ils arrivèrent rapidement dehors et trouvèrent un coin un peu à l’écart pour se poser. Jean resta sur le trottoir, il ne s’adossait pas au mur où Nicklaus avait trouvé sa place, il se sentait encore un peu agité, et il fallait dire que l’alcool commençait un peu à lui monter à la tête. Boire quasiment cul sec n’avait pas été une très bonne idée …

« Non pas de problème. »

Dit-il en relevant la tête vers son camarade qui venait de briser le silence.
On entendait encore la fête qui se déroulait au sein du bar mais dans la nuit, le bruit se tassait un peu. Jean ferma les yeux et inspira une grande goulée d’air fraiche.

« Merci, je me sens un peu mieux ! Il faut croire que j’ai peut-être un peu d’agoraphobie. »

Déclara-t-il avec un petit sourire espiègle.
Il préférait tourner cela à la blague plutôt que de se prendre encore la tête. Pendant quelques instants il laissa le silence s’installer à nouveau, observant la fumée de cigarette qui échappait des lèvres fines de Nicklaus. Il dut se forcer à arrêter de les détailler pour ne pas paraitre bizarre. Finalement prenant son courage à deux mains, il parvint à entamer le sujet qui l’avait fait paniqué.

« Euh Nicklaus … c’est peut-être une question stupide mais … mais on flirtait l’un avec l’autre tout à l’heure ou c’est juste dans ma tête ? Ce doit être idiot de ma part mais … je sais pas, j’avais l’impression qu’il se passait quelque chose. »

Quelle soirée ! Elle avait été rythmée par les bavardages, les retrouvailles et les nouvelles rencontres. Il y avait même eu une bagarre, mais ça n'avait nullement gâché les festivités. Tous étaient heureux de se réunir pour fêter l'anniversaire du Maître du Jeu, et lui, il était très heureux de revoir tous ces visages connus, mais également d'en découvrir de nouveaux ! La fête avait été un franc succès. Mais il commençait à se faire tard, et en tant qu'homme très occupé, il ne pouvait pas se permettre de faire une nuit blanche. Il était temps d'annoncer son départ et, par conséquent, que les festivités touchaient à leur fin.

Il réajusta sa cravate, s'approcha de la scène où un groupe de country finissait leur morceau et leur glissa qu'il souhaitait faire une annonce. Lorsque les dernières notes retentirent, suivies des applaudissements des convives, il monta sur l'estrade. Quelques secondes après, le silence se fit peu à peu :

- Merci à vous, mes chers amis, pour cette merveilleuse soirée ! Elle restera longtemps dans nos cœurs à tous, et je suis ravi que mon anniversaire ait été l'occasion de vous rapprocher les uns des autres.

Il marqua une pause et sourit à la foule qui l'écoutait, où quelques murmures ravis se faisaient entendre. Oh oui, la soirée avait été un vrai succès ! Il reprit tranquillement :

- Mais il est dans l'ordre des choses que toutes les meilleures choses aient une fin, et il est grand temps pour moi de vous dire au revoir. Et je suis certain que le personnel du Red Dog Saloon sera soulagé que vous ne vous attardiez pas trop, vous non plus. Encore merci à eux de nous avoir accueillis, merci à Taima pour l'organisation, et merci à vous tous pour votre présence et vos voeux !

Un tonnerre d'applaudissements retentit ensuite, pour remercier les noms précédemment cités, mais aussi pour féliciter une dernière fois le Maître du Jeu.

- Puisse le destin vous être favorable !

À ces mots, il prit congé de la scène, et salua encore quelques personnes qui l'interpelaient sur son chemin avant de disparaître dans la nuit claire du Cimarron. S'il était doué pour les entrées, ses sorties étaient tout aussi spectaculaires : ce fut comme s'il s'était volatilisé dans l'obscurité !

▬ Non pas de problème.

Fut tout ce que répondit Jean lorsque Nicklaus lui demanda s'il pouvait fumer. Il intercepta du coin de l'oeil le regard du blond, mais préféra faire comme si de rien n'était. Il préférait observer la nuit en silence, écoutant les bruits de la fête d'une oreille ; la nuit étouffait les nombreuses voix et la musique.

▬ Merci, je me sens un peu mieux ! Il faut croire que j’ai peut-être un peu d’agoraphobie.

Nicklaus reporta son attention sur lui et son petit sourire espiègle ; la blague ne prit pas, il se contenta de hausser les épaules. Ça n'avait pas vraiment d'importance, il avait déjà vécu ou vu ce genre de situation des centaines de fois. Il ne s'inquiétait pas vraiment, et il était là pour veiller à ce qu'il n'arrive rien de fâcheux. Le silence retomba sur eux, Nicklaus prit une bouffée de sa cigarette et se laissa distraire par la rue déserte. C'était si calme. Il aimait le contraste saisissant entre la fête et la nuit ; il l'avait toujours aimé. Aucun n'était mieux à ses yeux, il avait toujours eu l'habitude de passer de l'un à l'autre sans complexe. Disons que l'Allemand était un homme un peu passe-partout.

Après quelques secondes, il reporta son attention sur Jean, intercepta son regard juste avant qu'il ne détourne les yeux. Forcément, il sentit immédiatement de l'électricité courir dans ses veines. Il ne fit pourtant aucun geste, aucun commentaire. Il ravala seulement sa salive.

▬ Euh Nicklaus … c’est peut-être une question stupide mais … mais on flirtait l’un avec l’autre tout à l’heure ou c’est juste dans ma tête ? Ce doit être idiot de ma part mais… je sais pas, j’avais l’impression qu’il se passait quelque chose.

Automatiquement, les muscles du contrebandier se tendirent et il jeta un coup d'oeil en direction de la porte pour s'assurer que personne ne les avait entendu. Il plissa un peu les yeux, puis détailla le visage du blond à la recherche d'une expression ou d'une étincelle dans ses yeux qui confirmerait ce qu'il en pensait. À leur époque, mieux valait rester prudent avec ce... genre de choses. Puis bon, Nicklaus n'avait pas grand chose d'un romantique, si vous voyez ce que je veux dire. Alors "se passer quelque chose" c'est peut-être un trop grand mot. Ils avaient assurément flirté, ils s'étaient assurément bien entendus et rapprochés... mais de là à ce qu'il se "passe quelque chose". Ce n'était en tout cas pas la première fois qu'il jouait de ses charmes. Disons qu'aux yeux de l'Allemand, cette ambiance électrique n'avait rien de bien particulier. Enfin, il essayait d'en rester persuadé ; déni quand tu nous tient...

Après un silence et un nouveau regard autour d'eux, il demanda doucement, joueur :

▬ Ça dépend... Tu voulais qu'il se passe quelque chose ?

Il haussa un sourcil, interrogateur, un sourire en coin à peine dissimulé à la commissure de ses lèvres. Il soutint son regard quelques secondes, puis prit une bouffée de sa cigarette avant d'ajouter, un peu plus sérieux mais toujours sur un ton joueur se voulant innocent :

▬ S'il devait se passer quelque chose, mieux vaudrait être au calme.

Leurs réputations respectives étaient en jeu.

Bien entendu, en voyant le regard du contrebandier, Jean comprit son erreur et porta la main à son front, ses joues prenant (je crois ?) une délicate couleur rosée. Enfin, il était difficile d'en être sûr dans la faible lumière qui se dégageait du bar et du ciel nocturne. En tout cas, Nicklaus n'aurait pas été surpris si ça avait été le cas : il n'y avait qu'à voir sa manière d'éviter son regard !

▬ Je sais pas. J’ai l’impression que tout s’embrouille dans ma tête. Tout ce que je sais c’est que quand je suis avec toi je me sens bien, à l’aise. Tu m’intrigues plus que tu ne le devrais.

Il évitait toujours le regard de l'Allemand. Dommage, parce qu'il loupait un joli sourire en coin pour le moins... carnassier. Sa réponse n'était pas affirmative, mais elle n'était pas négative non plus. En d'autres termes... Soit il ne savait vraiment pas, soit il n'osait pas dire la vérité. ...Et ça amusait clairement le Contrebandier.

▬ Ouais c’est sûr, ce serait pas vraiment très bien vu ici.

Jean releva enfin les yeux, passant une main dans ses cheveux en prenant une grande inspiration. Il conclut par un sourire malicieux :

▬ Au moins j’aurais essayé.

Le sourire que cela arracha à Nicklaus n'avait rien à voir avec la plaisanterie, même s'il le laisserait volontiers y croire. Il ne répondit pas, se contenta de prendre une dernière bouffée de sa cigarette, puis la jeta au sol et l'écrasa méticuleusement. Il prenait son temps, traînait sans doute même un peu volontairement. Puis, sans un mot, soutenant le regard de Jean, il se décolla du mur auquel il était adossé et s'éloigna lentement dans la nuit. Il n'allait pas bien loin, se contenta de tourner à l'angle du saloon pour quitter la rue principale ; juste avant le virage, il jeta un regard à Jean, un sourcil haussé, l'air de dire "Alors ? Tu viens ?".

Croyez-le ou non, le merveilleux timing du barman fit que le Maître du Jeu prit la parole à peine une seconde avant qu'il ne se mette en mouvement ; cela suffit à ce que les quelques personnes qui traînaient dehors se massent auprès de la porte pour essayer d'entendre. En d'autres termes, personne ne les verrait s'éclipser. Et l'avantage de ce côté-ci du Saloon, c'est qu'il donnait sur les coulisses de la scène. Il n'y avait pas de fenêtre, juste une porte, et Nicklaus connaissait les horaires de ses employés par coeur. Personne ne l'utiliserait ; tout le monde était occupé avec les derniers divertissements de la soirée. Et puis, ils y entreposaient des outils aussi ; il était facile de se glisser derrière un tas de bois, de vieilles planches, ou peu importe quoi pour que les gens qui passeraient dans la rue principale ne les discernent pas. En d'autres termes : s'ils voulaient être au calme, l'endroit était tout désigné.

Nicklaus s'éloigna suffisamment de la rue principale, juste par précaution ; les invités ne tarderaient pas à commencer à sortir. Et lorsque Jean l'eut rejoint, il soutint son regard et ne cacha pas son sourire en coin. Il demanda tout naturellement, un brin de défi dans la voix, penchant légèrement la tête sur le côté :

▬ Et maintenant ?

Jean ne savait que penser de l’expression de son interlocuteur. Il avait tant de mal à déchiffrer Nicklaus, sans doute ce qui l’intriguait chez lui, un mélange de douceur et de mystère, un regard qui cachait un instinct sauvage. L’officier ne résisterait pas longtemps à tout ça. Il tourna la tête en direction des gens qui s’agglutinaient autour de la porte pour écouter le Maître du Jeu dire quelques mots, et disparut dans la nuit à la suite du barman qui connaissait l’endroit comme sa poche. Le blond n’était pas certain de ce qui se passerait ensuite. Quelque part il se demandait si tout cela n’était pas une mauvaise blague et qu’on l’attendait avec des fourches et des flammes pour le chasser loin de là. Il se forçait à ne pas penser au pire, à respirer, calmer son esprit en ébullition qui oscillait entre les scénarios catastrophe, et des idées plus coquines dirons nous ( ;) )

Lorsqu’il se retrouva enfin devant Nicklaus, dissimulé des yeux de tous, il sentait ses tempes pulser sous les battements rapides de son coeur. Jean le regarda quelques secondes en tentant de prendre son courage à deux mains pour dire ce dont il avait envie.

« Embrasse moi. »

Jean avait voulu le dire d’une voix assurée, provocante, presque comme une demande plutôt qu’une question, mais finalement cela sonnait plus comme une interrogation en mode : si ça te dit bien sûr on peut tenter ça. Il sondait Nicklaus du regard à chaque seconde pour essayer de déceler le moment où il allait éclater de rire et le renvoyer d’où il venait.

Le silence dura quelques secondes, quelques minutes peut-être. Nicklaus devinait facilement ce qu'il se passait dans la tête de Jean, ou au moins, l'état dans lequel il se trouvait. Ce à quoi il ne s'attendait pas, par contre, c'était de se sentir lui-même un peu raide. Ses jambes semblaient à la fois peser dix tonnes, et à la fois être faites de coton.

▬ Embrasse moi.

Malgré le ton interrogateur un peu léger, comme si Jean avait lancé une question nerveuse sans importance, Nicklaus crut sentir son coeur manquer un battement. Mais ça devait être de la pure fébrilité, de l'impatience, voilà tout. Sans doute son corps qui se rappelait d'autres soirées, même. Quoi d'autre ?

Malgré tout, il soutint le regard de l'officier sans sourciller. Il franchit d'un seul pas la distance qui les séparait, toujours en silence. Il ne put s'empêcher d'apprécier la respiration courte qu'il entendait, les yeux un peu écarquillés qui reflétaient le peu de lumière que dégageait le ciel. Il ne put s'empêcher de contempler celui qui se tenait devant lui ; celui qu'il tenait sous son emprise. Il ignorait royalement son propre souffle ténu, mettant ça sur le compte de milles autres soirées. Lentement, il leva sa main droite et la posa sur l'épaule de Jean, toujours sans un mot, puis se pencha légèrement, sans le lâcher des yeux.

Dans d'autres circonstances, il l'aurait sans doute charrié et taquiné, au moins un peu. Mais pas ce soir. Pas avec lui. Il avait bien trop peur de le vexer. Et il serait bien trop déçu s'il lui retirait son consentement.

Alors enfin, après tous ces regards, toutes ces piques, tous ces sourires en coin ; enfin leurs lèvres se touchèrent. C'était doux, c'était chaste, c'était infiniment respectueux ; tout le contraire de ce dont Nicklaus avait eu l'habitude. C'était bien loin des baisers passionnés visant à suggérer autre chose, non, c'était bien plus... Bien plus doux.

Voyant que l'officier ne se dérobait pas, le contrebandier poussa le vice en le faisant tout doucement reculer, de sorte à ce que son dos rencontre le mur. Sa main vint se loger un peu plus contre son cou, touchant enfin sa peau à nu dans une délicate caresse ; comme s'il avait eu peur de se brûler les doigts. Il colla son corps un peu plus au sien, savourant l'électricité qui courrait dans toutes ses veines, et au bout de longues secondes, commençant à manquer d'air, il fut bien obligé de le lâcher. Il chercha alors son regard, sans pour autant reculer, évaluant quelle serait la suite de ces premiers pas ; son coeur battant bien plus vite dans sa poitrine qu'il ne voulait bien l'admettre.

Il ne se serait jamais cru assez courageux pour exprimer les mots qu’il venait de dire à Nicklaus. Jean avait beau être téméraire face au danger de son travail d’officier, quand il s’agissait de prendre des risques avec ses émotions, il avait tendance à éviter de se retrouver blessé. C’était bien la première fois de sa vie qu’il demandait ainsi à ce qu’on l’embrasse et il était bien gêné de ne pas avoir su tenir sa langue.

L’Allemand était bien silencieux de son côté, il soutenait son regard sans ciller, ce qui rendant Jean particulièrement nerveux. Le blond n’attendait que de se faire refouler sous les éclats de rire du barman, miasme n’en fut rien. Bien au contraire, Nicklaus s’avança dans sa direction pour exécuter la demande de l’officier.

Jean fut surpris par les gestes très lents, très respectueux de son ami. Il s’était attendu à ce qu’un baiser entre deux hommes soit plus violent que les baisers qu’il avait connu avec les quelques femmes qu’il avait fréquenté. Á vrai dire, le blond ne savait pas à quoi il s’attendait. Nicklaus était le premier homme avec qui il entretenait un rapport si intime, la première fois que Jean s’était autorisé à expérimenter avec des sensations qu’il ressentait au fond de lui depuis des années sans jamais s’autoriser à les faire remonter à la surface.

L’officier finit par se laisser aller à cet instant très tendre. Il était reconnaissant à Nicklaus d’y aller doucement avec lui, qui sait où ce genre de chose aurait pu les entrainer … Non là ils se découvraient l’un l’autre avec une certaine timidité. Quand il sentit la main de Nicklaus toucher la peau de son cou, un éclair le traversa comme s’il venait de se faire foudroyer. Lui aussi avait envie de le toucher, le rapprocher de lui, alors il glissa les mains doucement sur son dos pour venir se loger sur ses lombaires et doucement le serrer contre lui.

Toutes bonnes choses ont une fin et leur baiser prit fin tandis qu’ils regagnaient chacun leur souffle. Jean regarda Nicklaus les joues brûlantes, tout son corps était en feu d’ailleurs, un peu comme lorsqu’il était dans le bar, seulement cette fois-ci il était parfaitement conscient de ce qui causait cette chaleur infernale. Soudain du monde commença à se faire entendre dans la rue principale. Jean reprit conscience de la situation et paniqua. On ne pouvait pas les trouver tous les deux ici ! Il lança un regard de détresse au Brun avant de secouer la tête. Mince ! Il aurait bien voulu que ça continue mais impossible dans ces conditions.

« Je … pardon … il vaut mieux que je parte. »

Il commença à s’éloigner rapidement mais avant de disparaitre dans l’obscurité il se retourna pour jeter un dernier regard à Nicklaus dans la pénombre.

« Je … j’ai beaucoup aimé être avec toi ce soir. »


Puis il fila sans demander son reste, avant que les gens ne les voient, avant qu’on ne leur donne la possibilité de commencer des ragots à leur sujet.

Si, au début, Jean sembla très raide et hésitant, il se détendit progressivement et alla même jusqu'à placer ses mains dans le dos du contrebandier. L'innocence et la pudeur du blond le fit légèrement sourire contre ses lèvres. Et puis ils durent se séparer pour reprendre leurs souffles, Nicklaus cherchant des yeux la réaction de l'officier. Il semblait fébrile, et l'Allemand n'avait aucun mal à imaginer ses joues rosies et ses yeux légèrement écarquillés par l'adrénaline ; et ce malgré l'obscurité. Il aurait souhaité que cet instant dure pour toujours. Il aurait voulu le serrer plus fort contre lui et presser ses lèvres contre les siennes. Il aurait voulu...

Et puis l'instant prit brusquement fin. Ils entendirent du bruit dans la rue principale, et Jean commença à paniquer. Il secoua la tête.

▬ Je … pardon … il vaut mieux que je parte.

Nicklaus ne broncha pas tandis que Jean commençait déjà à s'éloigner rapidement. Il resta immobile, tous les muscles tendus, encore sonné par le changement. Bien qu'il comprenait l'inquiétude d'être découverts, il n'en demeurait pas moins blessé par le brusque revirement de situation (même s'il aurait sans doute préféré mourir que de l'avouer). Pour une fois qu'il s'autorisait à ne jouer aucun rôle...

▬ Je … j’ai beaucoup aimé être avec toi ce soir.

Il intercepta tout juste son dernier regard avant qu'il ne file sans attendre de réponse, et n'eut aucun loisir de partager ses pensées à lui. Après de longues secondes à fixer l'obscurité, il soupira, ravalant le "moi aussi" qui lui brûlait les lèvres. Était-il allé trop vite ? Avait-il profité de l'ivresse de son compagnon ? Jean regretterait-il ce rapprochement ? Nicklaus serra les dents, peu enclin à trouver les réponses à ces interrogations-là. Se renfrognant, il se prit à haïr les sensations que son corps ressentait encore et le souvenir de ses lèvres contre les siennes. Il n'aurait sans doute jamais dû en arriver là.

Et puis, il avait une mission. Et Jean était officier. S'aventurer sur ce terrain-là était une pure folie. Mais quand bien même il se refusait à y songer...

Il avait bien envie d'être fou.