Jean était dans le bar en compagnie de sa cousine Riza. Il la tenait à l’oeil car lunatique comme elle était, il avait peur qu’elle tombe sur des personnes mal intentionnées présente à la fête. Il la regardait de loin près du bar, elle était allée commander à boire tandis qu’ils attendaient l’arrivée du principal intéressé : le Maître du Jeu. Jean était sur le point de se diriger vers elle alors qu’un type un peu baraqué s’avançait dans sa direction mais son regard fut attiré vers quelqu’un qui se trouvait derrière le bar. Il resta silencieux, se demandant s’il devait ou non s’approcher mais inutile de se torturer l’esprit voilà que le Maître du Jeu venait de rentrer dans le bar. Un « Joyeux anniversaire ! » collectif résonna dans les locaux tandis que la musique démarrait. Jean avait perdu de vu Riza et ce n’était plus tout à fait sa priorité tandis qu’il se dirigeait vers le comptoir pour tenter de retrouver celui qu’il avait cru reconnaitre de loin.

Riza avait aperçut Maestro dans la foule. La jeune femme châtain s’était mise en tête d’aller à sa rencontre malgré le fait que Jean lui ait demandé de revenir la voir avant de se perdre dans la foule. Roh tant pis, il pouvait bien attendre qu’elle dise bonjour à un ami ? Elle marcha dans la direction du grand homme baraqué qui se tenait à quelques mètres en train de discuter avec un groupe et lui adressa un grand sourire.

Journée chargée, aujourd'hui, pour le gérant du Red Dog Saloon. Une grosse soirée s'annonçait, avec tous les préparatifs que cela demandait, et Nicklaus était déjà épuisé. Oh, il tiendrait le coup hein, mais après ça, un peu de repos serait bien mérité. Il courrait déjà dans toutes les directions à peine réveillé, et les heures passant, la tension montait de plus en plus. Au final, pour une première expérience de grosse soirée, cela aurait pu être bien pire ! L'Allemand s'en était bien tiré, et la soirée promettait de se dérouler sans trop d'accroc.

Avec l'arrivée des invités, le gérant ne trouvait plus le temps de s'ennuyer, affairé aux côtés des autres serveurs (dont certains engagés uniquement pour l'occasion !) à servir les clients et vérifier que tout se passe bien. Mais la situation allait sans doute se détendre un peu lors de l'arrivée du principal intéressé : le Maître du Jeu. D'ailleurs, l'heure approchait à grands pas.

S'il avait reconnu quelques têtes dans la foule, il n'avait pas vraiment le temps, pour le moment, de s'intéresser plus que ça à eux. Il prenait parfois des nouvelles, faisait mine d'avoir un semblant de conversation polie, puis disparaissait aussitôt derrière son bar. Et puis quand le coup de 20h ne fut plus attendu que l'espace de quelques minutes, le silence se fit progressivement dans la salle, et la tension était palpable. Et enfin, alors quand le Maître du Jeu franchit la porte dans son costume bien taillé, un retentissant "Joyeux Anniversaaiiiiiire !" put retentir à l'unisson, suivi de près par la musique (vous vous rendez compte, on avait même engagé des groupes de country pour animer la soirée !) et le "pop" des bouteilles de champagnes et autres alcools qu'on ouvrait pour l'occasion.

Ça y est, Nicklaus devrait pouvoir souffler un peu, la soirée était lancée, et les convives avaient pratiquement tous déjà à boire ! Il s'éclipsa du bar en laissant les commandes aux serveurs, un linge toujours balancé négligemment sur son épaule, et se mit en quête d'un visage connu. Il se faufila pendant un moment dans la foule, se glissant entre les convives avec aisance (après tout, il était serveur !), mais malgré l'habitude, il rentra tout de même dans quelqu'un, qui semblait aller en sens inverse.

▬ Oh, toutes mes excuses !

Il s'excusa avant même de regarder la personne, et, de fait, ne reconnut son interlocuteur qu'une demi-seconde après :

▬ Ah, Jean ! Ravi de te voir ici !

Il sourit à l'officier, amusé. Quelle chance y avait-il pour qu'ils se tombent dessus ainsi, parmi toute cette foule en délire ?




Narcisse quant à lui, eh bien, fidèle à lui-même, il restait dans son coin, pas bien ravi d'avoir été engagé par son oncle pour faire la vaisselle du bar. Surtout que, ne nous mentons pas, les festivités, c'est pas son fort. La foule non plus. Ouais bon, Narcisse n'avait tout bonnement rien à faire là, si ? Ne vous méprenez pas, il était content d'avoir connu le Maître du Jeu depuis si longtemps et lui souhaitait encore une belle et longue vie mais... Pouvait-il le lui souhaiter à distance, s'il-vous-plaît ? Genre, loin de cet endroit et de tous ces gens dont il se fichait éperdument ?

Pour le moment, il n'avait pas de travail, alors il restait assis dans un coin du Red Dog, son chapeau légèrement incliné sur les yeux pour avoir l'air le moins engageant possible. Si au moins on pouvait le laisser passer la soirée sans interactions, ce serait déjà ça !

Songeant à l'idée de filer en douce par la porte de derrière, il aperçut dans la foule un jeune homme qu'il n'avait pas bien envie de voir. À son grand malheur, son regard croisa celui de Black Jack. S'il devait filer à toute jambe, c'était maintenant ou jamais ! Il se leva, contourna les quelques tables qu'on avait installées le long des murs pour laisser une piste de danse libre au cas où, et tenta de rejoindre la porte en se faufilant entre les convives.

Malgré tous les messages de Lady pour le prévenir d'être à l'heure Maestro n'avait pas réussi à arriver pour le début de la surprise réservé au Maître du Jeu. Heureusement, il avait réussi à faire le chemin en moins de temps qu'il n'en faut d'habitude en faisant un petit footing. Il était passé aux toilettes se rafraichir un peu pour avoir une tête potable pour la fête, même si Lady lui ferait sans doute remarquer qu'il n'avait pas l'air présentable. Alors qu'il ressortait se mêler aux autres un petit peu avant que l'invité principal n'arrive, il discutait avec ses collègues lorsque dans son dos une petite voix aiguë avait lancé un "salut". En se retournant il avait découvert Riza, une bonne amie qu'il connaissait depuis quelques années déjà.

" Salut Riza, comment tu vas ce soir ? Ta robe te va très bien. "

Lança-t-il avec enthousiasme avant que la conversation ne soit interrompu par l'arrivée du Maître du Jeu.
Le jeune homme baraqué qui surplombait une bonne partie de la foule mis ses mains autour de sa bouche pour crier à plein poumons avec tous les autres. Il était loin d'être discret, c'était Maestro quoi.

La fête battait enfin son plein. Le grand blond s'était dirigé vers le bar en compagnie de Riza pour aller prendre un verre en sa compagnie. Il croyait avoir aperçu sa soeur plus tôt, lui lancer un regard appuyé à cause de son manque de savoir vivre.

Thomas avait reçu l'invitation ainsi qu'Insanus. Une belle fête en perspective, autant l'un était emballé par l'idée, autant l'autre restait sur son lit à se poser toutes les questions du monde. Des heures durant, ou il se tourmentait, et qu'au final, son ami lui força la main. Il n'avait donc clairement pas le choix.

En peu de temps qu'il n'en faut, Insa fut prêt, habillé pour l'occasion, laissant de côté son habit de travail pour le bétail et les champs et ainsi se vêtir de son plus beau costume. Chemise blanche, chapeau, veste, pantalon et chaussures propres. La route fut étrangement rapide, jusqu'au bar du coin. Il entendait déjà les bruits, voyant déjà les visages, la foule l'entourer, la crainte naître dans son corps.

Trop tard. Il entre, peu de temps après le joyeux anniversaire. Thomas en fut déçu, mais se ruait vers le roi de la soirée pour lui offrir une accolade et un présent de la ferme. Un peu de monnaie, et un échantillon de sa plus belle confiture avant de filer au bar demandé les meilleures boissons.

Insanus lui, restait à l'entrée, le paquet dans les mains, le regard perdu. Finalement il allait déposer le cadeau sur le tas plus loin et allait faire un tour dans la foule présente. "S'intégrer, il le faut, le temps d'une soirée.."

L'homme mince, de taille moyenne souffle doucement en rabattant une mèche sous son chapeau, son regard bleu cherche, n'importe qui qui pourrait le satisfaire.. Son coeur accélère quand il voit au loin Maestro et Riza. "Courage..." Il arborait son plus beau sourire, et plus ou moins confiant, s'avance vers eux en les saluant.

Il n'aimait finalement pas les gens, les bandes de gens.

Il tend la main, cherchant la poignée de main typique.

"-J'osais espéré voir quelqu'un de connus ici! Je suis bien heureux de vous voir ici tout les deux!"

Bon il devait admettre que s'il était là c'était en grande parties grâces aux femmes qui partageaient sa vie : Taima, l'organisatrice, et Dulcinée sa fille qui avait fini par le convaincre d'aller fêter cet anniversaire. Il était au milieu de la foule dans un coin à ne pas se faire trop remarquer. Avec sa petite taille c'était facile de se dissimuler au milieu des autres. Ce n'était pas comme le grand blond basané un peu plus loin qui se tapait la discute avec une fille et un mec à chapeau de cow-boy. Le trentenaire était en train d'observer la foule lorsque son regard se verrouilla sur celui de Narcisse. Oh mais il était là lui ? Quelle surprise?! Il n'aurait pas cru qu'il allait se pointer. Avant qu'il n'ait eu le temps de l'interpeller, une charmante demoiselle apparut dans son champ de vision.

" Bonsoir Taima ! Alors contente de voir que tout roule ? Ta fête est très sympa. "

Dit-il avec un sourire sincère même si ce n'était pas forcément son truc.
Il dévia un tout petit peu les yeux pour observer Narcisse en train de se barrer discrètement et ne put s'empêcher de le retenir.

" Attends faut que je te présente quelqu'un. "

Glissa-t-il à Taima avant de faire un grand geste de main en direction du jeune.

" Eh Narcisse ! Viens voir un peu ! "

Lança-t-il aussi fort que possible, faisant se tourner quelques têtes en direction du jeune homme.

Si, au premier abord, Narcisse fut soulagé de constater que Black Jack s'était fait aborder par une jeune femme, son visage se décomposa littéralement en l'entendant l'interpeler. Il se figea, pas certain de vouloir se retourner, mais en constatant les regards des autres convives qui se tournaient vers lui, il fit rapidement volte-face et s'approcha avec une moue crispée. Ses jambes étaient si lourdes à porter ! Ses doigts agrippèrent machinalement les passants de ceinture de son jean pour se donner une contenance et il inspira l'air le plus calmement possible. Rester concentré, rester concentré. Le temps lui parut à la fois infiniment long, entre l'instant où on l'avait appelé et celui où il arriva, et à la fois beaucoup trop court. Si bien qu'en arrivant, il ne put lâcher qu'un :

▬ Salut.

Désintéressé, voire un brin accusateur. Il soutint le regard de Black Jack, les yeux lançant des éclairs : vous ne lui ferez pas croire qu'il n'avait pas remarqué qu'il essayait de ficher le camp ! Il ne croisa qu'à peine le regard de la fille, celle qu'il ne connaissait pas, avant d'ajouter en fixant Black Jack :

▬ Qu'est-ce que tu veux ?

Toujours sa délicatesse légendaire accompagnée de sa petite touche de tact ! Il n'était pas bien content d'être là, et chaque pore de sa peau, chacune de ses respirations, chacun des regards noirs qu'il lançait à la foule le criait délibérément.

Jean était en train de se glisser entre les invités tant bien que mal pour aller à la rencontre de l’homme qu’il avait cru apercevoir au bar lorsqu’il percuta quelqu’un. Il s’écarta rapidement pour constater des dégâts en découvrant que la personne qu’il venait de heurter n’était autre que Nicklaus après qui il était en chemin.

« Pas de soucis, désolé, je ne faisais pas attention moi non plus. Ravi de te voir ici Nicklaus, tu es en pause ? »

Demanda le jeune homme blond avec un sourire sympathique.
C’était une véritable aubaine que de le croiser alors qu’il n’était pas derrière le bar, avec un peu de chance il aurait aussi le temps de profiter un peu de la fête. Il travaillait tellement dur pour gérer son établissement que ça ne pouvait que rendre Jean admiratif de son travail et sa motivation. De son côté, même s’il mettait du coeur à l’ouvrage il était loin d’être aussi dévoué à la tâche, voire même nonchalant.

L’officier remarqua une table un peu à l’écart de l’agitation et la pointa du doigt.

« Et si tu as du temps ça te dis qu’on se pose un peu là-bas ? On pourrait boire un coup ? »

Proposa-t-il d’une voix assez forte pour que Nicklaus l’entende mais sans pour autant devoir lui crier dessus pour parler plus fort que la musique.
Pour tout vous dire, le blond s’était un peu penché en avant pour se rapprocher de l’autre jeune homme.




Riza pivota sur elle même pour faire voler le jupon de sa robe et adressa un très large sourire à Maestro et son groupe.

« Je vais super bien et toi ? Merci du compliment, j’ai eu du mal à me décider quoi porter pour être honnête. »

Dit-elle en passant une main derrière la nuque.
Elle qui s’habillait souvent en jean, chemisier, n’avait pas très souvent l’occasion de porter des robes et pour une fois qu’elle pouvait, elle n’avait pas su quoi choisir si bien qu’elle avait passé des heures devant le miroir à faire des essayages en compagnie d’une amie.

« Oh salut Insanus ! »

S’exclama-t-elle ravie de le voir à la soirée.
Elle était peut-être un peu trop tactile mais là où il lui offrait seulement une poignée de main, la jeune femme l’enlaça.

Maestro répondit qu’il allait bien également avant qu’une connaissance ne face son apparition. C’était Insanus du Ranch. Il observa Riza en faire trop comme à son habitude avant de serrer la main qu’avait tendu le brun pour le saluer.

« Salut Insanus ! Alors, pas trop fatigué après le boulot ? »

Demanda le grand blond qui s’était détourné un peu de sa bande qui se dirigeait vers le bar.
Il adressa un sourire aux deux autres avant de se rendre compte qu’ils n’avaient pas de boissons, il fallait remédier à ça !

« Je vais vous chercher à boire, qu’est-ce que vous prendrez ? »

Riza eut l’air pensive, elle n’avait pas vraiment envie de boire d’alcool pour l’instant.

« Une limonade s’il te plait. T’es trop gentil Maestro. »

Le militaire secoua doucement la tête tout en attendant la réponse d’Insanus avant de se diriger vers le bar. C’était la folie, il y avait bien du monde, et il se retrouva à côté d’un personnage un peu plus âgé qu’il ne connaissait pas le temps de commander.

« J’espère qu’on ne dérange pas trop votre soirée avec cette fête ? »

Demanda-t-il avec un sourire sympathique.
Il partait du principe que ce n’était pas un invité mais il se trompait peut-être.

▬ Pas de soucis, désolé, je ne faisais pas attention moi non plus. Ravi de te voir ici Nicklaus, tu es en pause ?

Le sourire de l'Officier était contagieux ; une lueur de gaieté brillait dans les yeux de l'Allemand. Le blond continua en pointant une table du doigt, un peu à l'écart de la foule. Sa voix couvrait tout juste la musique :

▬ Et si tu as du temps ça te dis qu’on se pose un peu là-bas ? On pourrait boire un coup ?

Jean s'était rapproché, sans doute pour être mieux entendu, mais le contrebandier appréciait le geste. Il mit pourtant ça sur le compte de l'électricité ambiante, de la foule et de l'ivresse des réjouissances. C'est vrai qu'à une autre époque, ces rassemblements étaient une toute autre partie de jeu, pour lui. Il se pencha un peu pour lui répondre sans trop forcer sur sa voix ; habitude de serveur, vous dites ? Mouais, il y avait peut-être un peu de ça. C'était un geste poli et anodin, d'homme à homme, sans sous-entendu, comme il l'aurait fait avec les autres serveurs pour leur transmettre une commande à préparer au milieu de tout ce raffut. Mais un geste qui fut plus... difficile ? que d'ordinaire. Comme si, tout à coup, ses muscles refusaient d'obéir et qu'il devait les y contraindre.

▬ Avec plaisir ; qu'est-ce que tu veux boire ?

Ils avaient élargi les variétés de boissons de leur stock pour l'occasion, et des listes étaient affichées un peu partout. Bien entendu, les saveurs habituelles étaient toujours disponibles pour les moins téméraires, mais à cela s'ajoutaient désormais champagnes, mousseux, cocktails et shots de toutes les couleurs imaginables pour ceux qui avaient envie de découvrir de nouveaux horizons. Nicklaus, pour sa part, avait ses habitudes, mais il s'accorderait volontiers à Jean. Faut dire aussi que ce n'était pas sa première soirée, et qu'il avait une large connaissance des breuvages proposés ; tenter ces nouveautés ne l'excitait plus autant que dans ses jeunes années. Un bon whisky, éventuellement une bière, ferait bien son affaire. Mais il n'avait rien contre l'idée d'accompagner son camarade dans une consommation plus exotique. Peut-être même que c'était tout le contraire ? Qui sait.

La démarche du jeune Narcisse était on ne peut plus clair sur le fait qu'il était ravi de retrouver Black Jack au milieu de la foule. L'homme aux cheveux noir de jais sourit avec amusement, son attention se portant à présent sur le jeune homme arrivant auprès de lui et son amie Taima.

" Bonsoir Narcisse ! Je ne pensais pas te voir ici, c'est pas le genre d'endroit que tu fréquentes d'habitude. "

Se contenta-t-il de dire en le regardant dans les yeux.
Il laissa quelques secondes s'écouler avant de se tourner vers Taima pour la présenter, après tout c'était pour cette raison qu'il avait fait venir Narcisse, et pas seulement pour l'embêter.

" Si je t'ai appelé c'est pour que tu rencontres Taima mon amie. Taima voici Narcisse, Narcisse, Taima. "

Il fit un petit geste de main pour élaborer les présentations et les rendre plus grandiloquentes qu'elles n'avaient besoin de l'être avant de se tourner à nouveau vers le jeune.

" Alors qu'est-ce que tu deviens depuis la dernière fois qu'on s'est croisé ? Toujours à essayer de fuguer ? "

Demanda-t-il sur un ton malicieux presque provocateur.

Jean réfléchit quelques instants, semblant un peu plus à son aise maintenant qu'ils s'étaient un peu éloignés de la foule. Il finit par répondre :

▬ Je n'en bois quasiment jamais mais vu l'occasion je me dis qu'une coupe de champagne serait assez pertinente. Qu'est-ce que tu vas boire de ton côté ?

Sa voix était curieuse. Visiblement, ses connaissances en matière d'alcool étaient assez limitées. Nick ravala un sourire : s'il avait participé aux mêmes fêtes européennes auxquelles lui-même avait participé, Jean ne serait pas aussi... hésitant ? Perdu ? Naïf ? Disons que l'alcool n'y manquait jamais.

▬ Si tu as de meilleurs suggestions n'hésites pas à me proposer, je sais que tu as un fin palet avec ton expérience derrière le bar.

Il plaisantait, lui donnant une petite tape sur l'épaule. Nicklaus sourit. Pouvait-on dire qu'il avait un fin palet ? Disons surtout qu'il savait s'accorder aux goûts de ses clients, et deviner ce qui leur ferait plaisir. Et si on parlait plus précisément de ses goûts à lui... Autant dire que le champagne n'était pas sa boisson favorite : savourée en communauté pour célébrer des occasions, elle ne collait pas vraiment à sa personnalité plutôt individualiste. Il ferait l'exception s'il en ressentait l'envie, mais l'anniversaire du Maître du Jeu, qu'il connaissait à peine, n'était pas une raison suffisante à ses yeux. Et si on abordait le champagne sous l'angle du choix de Jean... Eh bien c'était terriblement ennuyeux. L'officier avait l'habitude de "rentrer dans le moule", si l'on peut dire, et le champagne était tout trouvé pour ça. Quoi de plus facile que de suivre le mouvement, hein ? Nicklaus sourit, pensif. Il n'allait pas le laisser faire si facilement, et il était bien décidé à lui faire découvrir quelques petits plaisirs de la vie.

▬ J'ai du whisky pure malt pour l'occasion si tu en as envie, bien meilleur que du Jack Daniel's, et bien moins "typique" que du champagne.

Un sourire en coin aux lèvres, caractéristique des moments où il se montrait joueur et taquin, Nicklaus poussa même le vice à lui décocher un clin d'oeil un peu moqueur. Le suivrait-il sur cette pente-là ?

Bien entendu, l'antipathie de Narcisse dessina un sourire amusé aux lèvres du noiraud. Faut croire que ces deux-là seraient éternellement inconfortables dans la même pièce que l'autre ! Encore heureux qu'ils aient toujours tout les deux la présence d'esprit de se séparer avant que la situation ne dégénère.

▬ Bonsoir Narcisse ! Je ne pensais pas te voir ici, c'est pas le genre d'endroit que tu fréquentes d'habitude.

Narcisse soutint son regard, l'air de dire "Tu te fous de moi ?" ou "Non, sans blague ?" d'un air condescendant. Bien entendu, tous les deux savaient que si ça n'avait tenu qu'à lui, le jeune homme se serait retrouvé à mille lieues de cette foutue fête.

▬ Si je t'ai appelé c'est pour que tu rencontres Taima mon amie. Taima voici Narcisse, Narcisse, Taima.

Il fit un geste de la main pour les présenter, ce à quoi Narcisse ne répondit que par une moue.

▬ Enchantée. Vous passez un bon moment ?

Bien sûr, il aurait dû se douter que les amis de Black Jack seraient aussi sympathiques et envahissants que lui. Il ne répondit que par un haussement d'épaules et un coup d'oeil en coin, ne se bornant même pas à répondre. Voilààà, il l'avait rencontré son amie, il peut y aller maintenant ??

▬ Alors qu'est-ce que tu deviens depuis la dernière fois qu'on s'est croisé ? Toujours à essayer de fuguer ?

Son ton était malicieux, presque un peu provocateur ; Narcisse le foudroya du regard. Tous ses muscles étaient tendus, et il serrait tant les passants de ceinture de son jeans que ses phalanges commençaient à blanchir. Serrant les dents, il s'apprêtait à lancer une réponse cinglante, mais voilà que Miss Sympathique N°2 revenait dans la discussion :

▬ Excusez-moi de vous interrompre messieurs, vous voulez quelque chose à boire ?

Elle posa une main amicale sur l'épaule du noiraud, main que Narcisse fixa une seconde. Tiens donc... Se passait-il quelque chose entre ces deux-là ? Il croisa ensuite le regard de la jeune fille et saisit l'occasion (ce serait toujours une personne de moins à gérer) :

▬ Pourquoi pas un soda, pour ma part, s'il-te-plaît.

Il attendit que Black Jack passe sa commande à son amie avant de lui répondre, espérant que la jeune fille ne s'attarderait pas pour l'écouter.

▬ Nicklaus m'a embauché pour la plonge. Mais c'pas comme s'il comptait vraiment sur moi, il sait très bien que je vais filer en douce à la première occasion. C'est pas comme si c'était nouveau non plus.

La mine sombre, il n'essayait même pas de cacher ses intentions. Tout le monde dans le coin savait que Narcisse était du genre à filer en douce et ne pas tenir ses engagements. C'était ce qu'on appelle "de la mauvaise graine", et c'est pas pour rien qu'il vivait avec son oncle Nicklaus, loin de sa mère. Sans doute qu'elle en avait eu assez d'essayer de lui faire entendre raison. Et Nicklaus en aurait bientôt assez, lui aussi.

Riza adressait toujours un large sourire à son ami Insanus qui expliquait les raisons de son costume soigné. Elle était heureuse que cet anniversaire lui donne l’occasion de le découvrir sous cet angle, ce n’était pas souvent qu’on voyait les autres aussi bien habillés.

Et puis c’est avec surprise qu’elle entendit Insanus lui proposer de danser. Lui qui d’ordinaire était timide et un peu renfermé venait de faire un immense bond dans le vide en l’invitant. Riza sentit ses joues rougir légèrement tant elle était flattée par son geste.

« Bien sûr Insanus, j’en serai ravi. Allons-y ! »

S’exclama-t-elle en lui attrapant la main avec entrain pour le guider en direction de la piste de danse.
Elle était un peu trop extravertie, sans attendre de voir si le jeune homme était prêt. Il avait proposé, elle avait saisi l’occasion aussitôt en évitant de lui laisser la chance de se défiler au dernier instant. Une fois en place elle se tourna pour lui faire face et attrapa son autre main.

« Juste pour te prévenir, je suis pas douée, alors rigole pas trop en me regardant. » 

Dit-elle en souriant d’une façon espiègle.



Jean s’aperçut rapidement du sourire qui se dessinait sur les lèvres fines de Nicklaus : il avait clairement une idée en tête bien meilleure que du champagne. Après tout c’était bien lui l’expert en breuvage alcoolisé par son travail. Le blond resta silencieux à attendre la réponse de son ami avec une certaine impatience. Il buvait peut-être la parole du barman avec bien trop de sérieux.

« Et bien je te suis pour ce whisky pur malt ! »

Répondit-il en adressant un regard similaire à Nicklaus.
Il n’alla tout de même pas jusqu’à lui faire un clin d’oeil, il était un peu trop timide pour ça mais qui sait, après avoir bu un ou deux verres, où est-ce qu’il pourrait aller ? L’officier avait l’impression qu’il faisait chaud soudainement. La foule avait dû faire monter la température de l’établissement, en tout cas c’était l’explication la plus logique qu’il trouvait. Il était tenté de défaire le premier bouton de sa chemise mais ce serait peut-être un peu vulgaire alors il se contenta de réajuster son col pour occuper ses mains qui se sentaient soudainement bien agitées.

« Tu veux que j’aille nous commander ça ? »

Demanda-t-il à son ami.

Black Jack continuait de regarder Narcisse avec un air malicieux lorsque Taima à ses côtés pris enfin la parole. Elle ne devait pas bien comprendre ce qui se passait entre les deux hommes, il y avait un long historique de sarcasmes, conflits et ironies entre eux.

Comme le silence s’installait, Taima proposa d’aller chercher à boire. Elle se sentait peut-être mal à l’aise au milieu des deux idiots qui se chamaillaient comme des gosses.

« Je veux bien une bière blonde s’il te plait Taima. »

Par réflexe il glissa la main sur la sienne pour lui tapoter gentiment en signe de remerciement à cette offre. Pour lui le geste était venu naturellement, comme si le gamin naïf de l’époque qui collait tout le monde à la recherche d’amis était de retour.

Après un petit temps Narcisse se décida à répondre à la question de Black Jack. Tiens donc il avait du travail avec le barman ?

« Toi ne pas tenir tes engagements ? Tu me surprends Narcisse. Je te croyais que tu étais trop fier pour décevoir ton entourage. Ou alors tu n’as simplement pas une très haute estime de tes compétences ? »

Demanda Black Jack avec un air faussement surpris.

▬ Et bien je te suis pour ce whisky pur malt !

Le regard que Jean lui lança était assez similaire au sien : joueur. Cela dessina, bien évidemment, plus franchement le demi-sourire du gérant. Il le vit réajuster son col, et pencha très légèrement la tête sur le côté en l'observant. Il semblait tout à coup bien agité. Peut-être un peu mal à l'aise, même ? Ou gêné ? Intéressant. Très intéressant.

Jean l'arracha à ses pensées :

▬ Tu veux que j’aille nous commander ça ?

Oh non. Nicklaus ne le laisserait pas filer si facilement. Si l'officier allait lui-même passer commande, il risquait d'oublier ce qui était en train de, disons, se passer. Il prendrait le temps de respirer, se concentrerait sur sa tâche, et reviendrait bien plus détendu. Mieux valait qu'il attende là, qu'il ait tout le temps pour réfléchir, qu'il retourne mille fois dans sa tête les excuses qu'il pourrait bien trouver, tout en n'en croyant vraiment aucune. C'était bien plus amusant.

▬ Non, tu n'as qu'à rester là, ce sera plus rapide si je passe directement nous servir derrière le bar, les serveurs sont déjà pas mal occupés.

Il lui laissa un dernier petit sourire... malicieux ? Joueur ? ...Prédateur, peut-être ? Vous savez, avec quelque chose comme ce regard qu'une panthère tapie dans les hautes herbes lance à sa proie. Et n'attendit guère de réponse pour se diriger vers le bar en se glissant dans la foule sans peine. Il évitait les corps sans difficultés, et se glissa bien vite derrière le comptoir pour leur servir leurs verres. Il refit ensuite le chemin en sens inverse avec habilité. Le tout lui avait pris moins de cinq minutes ; c'était déjà bien suffisant pour que Jean ait le temps de, disons, faire son introspection. Il lui tendit un verre avec un sourire avant de trinquer, plongeant ses yeux bleus dans ceux de Jean avec intensité et déclarant d'une voix de velours :

▬ À cette merveilleuse soirée.


▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬ ▬

▬ Je veux bien une bière blonde s’il te plait Taima.

Black Jack répondit en glissant sa main sur celle de la jeune fille, et la tapota en signe de remerciement. Narcisse plissa les yeux. À moitié inquisiteur, à moitié... dérangé par le geste ? Faut dire qu'il ne portait pas grand intérêt pour l'amour, l'amitié, et toutes ces niaiseries. Quoi de plus normal pour lui, me direz-vous.

Miss Sympathique fila bien vite dans la foule, ce sur quoi le jeune homme put enfin répondre au Noiraud. Et forcément, cela provoqua une nouvelle réponse de sa part. Cette discussion allait-elle finir un jour ?

▬ Toi ne pas tenir tes engagements ? Tu me surprends Narcisse. Je te croyais que tu étais trop fier pour décevoir ton entourage. Ou alors tu n’as simplement pas une très haute estime de tes compétences ?

Son air était faussement surpris. Narcisse serra les dents et les poings. Le Noiraud commençait à sérieusement lui taper sur les nerfs. Il rétorqua sèchement :

▬ T'as pas bientôt fini ? T'as pas mieux à faire que m'embêter ? Genre, je sais pas, profiter de la soirée et de ton amie.

Il cracha presque le dernier mot. Soit ils étaient particulièrement tactiles (il en doutait), soit c'était plus qu'une amie, ne le prenez pas pour un imbécile ! Et ce qui le tuait, dans l'histoire, c'est qu'à une époque, Black Jack et sa mère étaient également des amis, assez proches mêmes. Sauf que maintenant, Pandora aurait vraiment eu besoin d'un ami sur qui compter. Et elle n'en avait pas. Au lieu de ça, Black Jack était là, à siroter des bières et batifoler avec des jeunes filles. Comprenez que Narcisse, bien qu'il n'ait pas tous les éléments de l'histoire, soit un peu réfractaire à cette idée.

Nicklaus le coupa court au moment où il allait se lever pour marcher vers le bar. Il avait raison, ce serait plus rapide s’il s’en chargeait et en plus de cela, il éviterait du travail supplémentaire à ses serveurs. Jean ne put que hocher la tête pour répondre à sa proposition et resta assis à table pendant que le barman s’occuper des boissons. Il était tracassé par un sentiment bien étrange ce soir. Se retrouver là en présence de Nicklaus, seul tout les deux, enfin eux et une foule de gens, ce n’était pas souvent qu’il en avait l’occasion et le côté un peu joueur, un peu malicieux de son ami ne le laissait pas indifférent. C’est là qu’il commença à se rendre compte de l’évidence : Nicklaus lui plaisait, plus qu’un simple ami. Il rougit aussitôt à cette constatation et tourna la tête en direction du barman qui revenait avec les boissons. Il n’était pas prêt à son retour !

Jean attrapa le verre que lui tendait Nicklaus et lui adressa un sourire légèrement troublée même s’il faisait de son mieux pour ne rien en montrer.

« Á cette merveilleuse soirée ! »

Déclara-t-il également en buvant plusieurs gorgées peut-être un peu trop rapidement pour les savourer.
Il fallait qu’il digère la nouvelle et qu’il se détende ou il aurait l’air suspicieux aux yeux de son ami. Non il ne pouvait pas être aussi transparent. Il regarda autour de lui en commençant à sentir l’alcool faire son effet. Ouf !

« Pfiu il fait chaud ici ou c’est moi ? »

Demanda-t-il à Nicklaus alors qu’il réajustait le col de sa chemise à nouveau.
Le mélange de la chaleur créé par la foule, la gêne, et l’alcool commençait à se faire sentir.

Son amie à la peau basanée s’éloigna et il reporta son attention sur le jeune homme qui semblait vraiment agacé par sa réponse. Il continua de sourire un peu bêtement, ce qui était clairement une provocation ouverte.

« Oula doucement Narcisse, on va croire que tu as l’alcool mauvais. C’est pas bon pour toi ça. »

Dit-il en secouant doucement la tête.
Quant à la suite de ses propos, Black Jack réalisa bien rapidement qu’il avait tardé sur le mot « amie » comme s’il insinuait quelque chose. Le brun aurait bien rétorqué avec beaucoup de mesquinerie que puisque la mère du beau Narcisse n’était pas là il fallait bien qu’il s’occupe mais même pour lui cela aurait été déplacé. Il avait trop de respect pour Pandora et pour Taima pour se permettre cette blague de mauvais goût devant le jeune.

« Non parce que je m’inquiète pour toi tu sais. Je ne voudrais pas qu’il arrive quoi que ce soit qui puisse inquiéter ta douce maman. »

Lança-t-il d’un ton surjoué au possible, de quoi fâcher Narcisse une bonne fois pour toute.

Bien sûr, la légère rougeur sur les joues de l'officier n'échappa pas à Nicklaus. Son trouble non plus, même s'il s'appliquait autant que possible à le cacher sous un sourire.

▬ A cette merveilleuse soirée !

Sur ce, ils prirent chacun une gorgée... Enfin, Jean en sirota plusieurs, un peu trop vite à son goût. Nicklaus faillit même intervenir mais se ravisa quand le blond rabaissa enfin son verre. L'Allemand ne le quittait pas des yeux ; il semblait de plus en plus bizarre, désormais. Il regarda autour de lui avant de demander en réajustant à nouveau le col de sa chemise :

▬ Pfiu il fait chaud ici ou c’est moi ?

Nicklaus haussa légèrement un sourcil. Le comportement de son ami le déstabilisait un peu. Il avait rarement vu quelqu'un tenir aussi mal l'alcool. Ou bien était-ce la proximité qu'il tenait mal... ? Il plissa un peu les yeux et reprit délicatement le verre des mains de l'officier en cherchant son regard :

▬ Je crois qu'on va aller prendre un peu l'air.

Mieux valait jouer la prudence, il n'avait pas envie que Jean fasse un malaise là, au milieu de la foule. L'air frais de la nuit lui ferait du bien. D'ailleurs, ce n'était pas une question. Il se leva, fit signe à un de ses serveurs et lui fourra les verres dans les mains en lui intimant de les garder de côté (ç'aurait été pure folie de gâcher un alcool si précieux). Puis il se tourna vers Jean, prêt à lui apporter son aide si besoin, sans lui faire l'affront de la proposer pour autant. Il le rattraperait si besoin. Le blond n'opposa guère de résistance et le suivit, Nicklaus ouvrant la voie pour fendre la foule tout en restant attentif à son ami. Arrivés dehors, ils se placèrent un peu à l'écart de la porte pour ne pas être trop dérangés. Nicklaus s'adossa contre le mur en cherchant les yeux de Jean dans la semi-obscurité pour s'assurer de son état. Voyant qu'il n'y avait pas grand chose à craindre (l'air frais aiderait), il finit par sortir de sa poche un petit étui.

▬ Ça t'embête si je fume ?

Toutes ses taquineries de quelques instants plus tôt s'étaient envolées dès l'instant où Jean avait paru si déstabilisé. Était-ce de sa faute, s'il était dans un tel état ? Scrutant son visage dans la pénombre, il décida de ne pas s'éterniser sur cette question-là. Ne voyant aucune opposition, il alluma sa cigarette, la flamme de son briquet à amadou éclairant son visage un bref instant. Il prit une grand inspiration, appuyé contre le mur, posant un pied contre le bois, à hauteur de son genou. Sa main tenant la cigarette retomba le long de son corps, ses yeux balayant la rue principale déserte. La nuit était relativement claire. En tout cas, le ciel brillait de milles étoiles. Il se perdit dans sa contemplation pour laisser à Jean l'espace nécessaire et le calme dont il avait besoin.


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[[ Pour le bien de la science l'art, je considère que les histoires de Narcisse et de Nicklaus ne se déroulent pas en simultané 8D ]]

▬ Oula doucement Narcisse, on va croire que tu as l’alcool mauvais. C’est pas bon pour toi ça.

Déclara le Noiraud en secouant la tête. Narcisse eut un rictus moqueur. L'alcool ? Il n'en consommait jamais. D'ailleurs, s'il avait été attentif il aurait relevé qu'il avait commandé un simple soda. Là, tout de suite, c'était surtout Black Jack qui semblait mal tenir l'alcool, vu comme il le cherchait. Qu'est-ce qui lui prenait ?

▬ Non parce que je m’inquiète pour toi tu sais. Je ne voudrais pas qu’il arrive quoi que ce soit qui puisse inquiéter ta douce maman.

Son ton surjoué au possible fit fulminer le jeune homme. Il se jeta sur le plus vieux sans crier gare et visa son visage avec son poing, de toutes ses forces. Le coup ne fut clairement pas aussi puissant qu'il l'aurait souhaité, mais l'effet de surprise lui permit d'atteindre sa cible. Autour d'eux, les conversations cessèrent, et je crois même que quelqu'un cria.

▬ Ne me parle pas de ma mère ! Tu n'as aucun droit de parler d'elle !

Ce qui s'ensuivit fut une merveilleuse confusion. Des gens tentaient de s'éloigner d'eux, d'autres d'intervenir. Narcisse s'agrippait aux vêtements du Noiraud de toutes ses forces pour éviter qu'il ne lui échappe, bien décidé à en découdre. Il fulminait, griffant et frappant ce qui passait à sa portée. Je crois même que quelques téméraires qui voulaient les séparer reculèrent en voyant la rage et la véhémence dont faisait preuve le plus jeune. D'ailleurs, celui-ci s'en fichait pas bien mal si ses coups atteignaient Black Jack ou un autre.

▬ Tu n'sais rien ! Tu n'étais pas là ! Tu n'étais pas là !

Lui, il avait été là. Lui il avait grandi avec les regards amers de sa mère. Black Jack, lui, ne l'avait jamais revue. Il avait pris quelques nouvelles par le biais de Narcisse, mais il n'avait jamais cherché à la revoir. Jamais. Finalement, quelqu'un l'attrapa par le col de sa chemise et le tira en arrière. Narcisse cria de colère, voulut faire volte-face, mais la poigne ne faiblissait pas. Il fulminait, tentant de se retourner contre son nouvel ennemi.

▬ Narcisse ! Tu te fous de moi ?

Il reconnut la voix menaçante de Nicklaus, son oncle. Il se calma à peine, tentant pourtant toujours de s'y soustraire. Finalement, tout ce chaos n'avait duré qu'une minute à peine avant l'intervention du gérant. Il le poussa rudement en direction de la porte du Red Dog.

▬ Fiche le camp, tout de suite.

Son regard glacial aurait sans doute mortifié n'importe qui. Narcisse, lui, ne cilla même pas. Au fond, il savait qu'il avait eu raison. Ce n'était peut-être pas la meilleure méthode, mais il avait eu raison. Il sortit pourtant sans demander son reste ; ils règleraient sans doute ça plus tard.

Ou pas.

Il longea le porche, grimpa à l'un des piliers et se hissa sur l'avant-toit pour atteindre les chambres de l'étage. Il ouvrit sa fenêtre, se glissa à l'intérieur et rassembla ses affaires en quatrième vitesse avant de redescendre. Cette fois, il ne reviendrait pas. Il irait jusqu'au repaire des Black Bullets, où David l'accueillerait sans doute. Sinon, il pousserait jusqu'à la prochaine ville, au Sud, au-delà des montagnes qui délimitaient le Cimarron. Tout le monde étant à la fête, voler un cheval ne fut pas compliqué. Il se mit en selle et s'élança dans l'obscurité de la nuit.

Si Nicklaus lui avait appris quelque chose, c'était bien la survie en terrain hostile. Et puisque personne n'avait besoin de lui, ni même un peu d'estime pour lui, il ne manquerait à personne.