Narcisse est né au repaire, dans le sable et la poussière. Un après-midi sans lumière où l'atmosphère était lourde. Une mise-bas longue, laborieuse, mais sans encombre. Naquit un petit être gris marqué de noir. Aux deux yeux sombres, à peine étoilés. Noirs d'encre.

Ce jour-là naquit le Monarque, ainsi que tous les démons qui l'accompagnent.

Poulain vigoureux, robuste, bien proportionné, il a très vite su se tenir sur ses jambes. Il a aussi très vite gagné son petit caractère. Il est devenu distant très tôt, détestable et égocentrique. Quand bien même sa mère, Pandora, faisait tout pour l'aimer convenablement, il ne manquait jamais de voir les regards tristes qu'elle lui lançait. Il la voyait, toute cette déception, cette compassion. La Nymphe pensait qu'elle lui avait refourgué ses démons, mais ce sont bien ses remords à ce propos qui ont tant marqué Narcisse.

Né d'une union non-désirée qui plus est, issu de la volonté des hommes. Narcisse n'a jamais eu son mot à dire, où que ce soit. C'était le poulain indésiré par sa mère, le rappel constant d'un étalon déjà trop oublié, l'objet de tous les désirs de l'homme. L'homme que sa mère détestait tant d'ailleurs. Non, Narcisse n'a jamais eu de chance. Constamment tiraillé entre tous.

Pour ne rien arranger, toute la bonne volonté de la Grecque la poussait à lui conter les milles histoires d'autrefois. Que ce soit la mythologie, sa propre histoire, ou les grands espaces du désert, elle lui rappelait sans cesse que lui, poulain des hommes, ne vivrait qu'à leur bon vouloir. Évidemment, ça n'a jamais été son intention, mais Pandora ne mesurait pas l'impact de ses propos. Elle qui croyait divertir un jeune poulain ne mesurait pas toute la maturité dont faisait preuve son fils ; et à quel point il comprenait à quoi rimerait sa vie future.

Narcisse a grandi auprès des hommes. Oh, il ne les a jamais craint, il n'en avait même pas peur. Faut dire qu'ils n'ont pas été tendres, mais ils n'ont jamais levé la main sur lui pour autant. Narcisse avait renoncé depuis longtemps à l'idée qu'il connaîtrait un jour le soleil et les grandes étendues. Alors il était docile.

Mais les hommes sont cruels et, ma foi, fort bien étranges. Ils sont bruyants, imprévisibles et parfois même violents. Le Serpent, son propriétaire, n'a ma foi rien arrangé. Narcisse a très vite appris à être aussi imprévisible que lui. Parfois doux comme un agneau, parfois grincheux, parfois carrément dangereux. Avec le Serpent, c'était quitte ou double ; soit il avait décidé que tu allais en baver et tu allais en baver, soit ton fichu caractère le rendait encore plus désagréable, mais le dissuadais de faire quoi que ce soit de toi aujourd'hui. Alors Narcisse a bien été obligé de devenir un cheval somme toute nerveux, et ma foi, assez imprévisible.

Sa première année s'est donc déroulée ainsi, en constant tiraillement. D'un côté sa mère qui, avec la meilleure volonté du monde, lui parlait des grands espaces, et de l'autre lui, qui savait pertinemment qu'il resterait à jamais cheval des hommes. Après tout, n'étaient-ce pas eux les seuls à l'avoir désiré ? Ils étaient les seuls à poser sur lui un regard admirateur et avide (c'était ce qu'il osait espérer de mieux, qu'on l'admire). Sa mère n'avait pas voulu de lui, son père il n'en avait jamais entendu parler, les grands espaces n'étaient pas à sa portée et tout ce qu'il lui restait, c'était le sable du repaire et les chansons paillardes des hommes alcoolisés.

Entre tout cela, comment aurait-il pu bien tourner ?

Non, Narcisse n'a pas "bien tourné". Narcisse est devenu individualiste et égocentrique. Rien ne compte, sinon lui. Puisque personne ne voulait de lui sinon les hommes (ces êtres instables et bruyants), alors soit, il serait cheval d'homme. Et il s'offrirait sa propre dévotion.

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Avec le temps, Narcisse est devenu un cheval nerveux. Indépendant et pratiquement asocial, mais furieusement efficace en matière de travail. Il a beau avoir mille défauts de caractère, il n'en reste pas moins un étalon splendide et une monture somme toute fiable.

Oh, croyez-moi, c'est pas grâce au Serpent qu'il a finalement assez bien tourné en matière de devoir, ah ça non. À l'aube de ses trois ans, le Serpent est décédé. Circonstances étranges, mais il apprendra bien plus tard que c'est le certain Black Jack qui l'avait tué, pour les yeux de sa mère. Au moins quelqu'un se souciait d'elle. Le Monarque ne la détestait pas, il avait même pas mal de sympathie pour cette jument, mais il valait mieux pour tout le monde qu'il se tienne à l'écart des gens qu'il estime un minimum.

Bref, suite à la mort du Serpent, il a rencontré Nicklaus. Nicklaus, c'est pas un type très sympathique, lui non plus. Il est détaché et ne s'occupe pas vraiment des autres. Au moins, il s'occupe bien du Gris. Curieusement, ces deux-là ont trouvé un terrain d'entente et un respect mutuel. Narcisse fait son job, Nicklaus fait le sien, et tout va pour le mieux. Ils ne sont pas vraiment attachés l'un à l'autre, c'est plus un genre d'accord muet qui les lie, mais ça leur suffit bien.

Et puis Nicklaus et lui sont partis pour Goldfield. Fini le repaire, désormais, une nouvelle vie s'offrait au Gris. Il en aurait été enchanté, s'il n'avait pas été aussi nerveux de toute cette nouveauté. Lui qui n'avait connu que la poussière et les ténèbres se sentait mis à nu en dehors de l'enceinte du repaire. M'enfin bon, c'est pas comme s'il avait eu son mot à dire.

Nicklaus est devenu gérant du Red Dog Saloon peu avant le début des travaux du barrage. Sous sa couverture, il recueille des informations sur la ville, les mouvements des convois et tout ce qui peut avoir un intérêt pour les contrebandiers. Il a maintenu les Black Bullets au courant de l'avancée des travaux, puis leur a fourni les informations pour le vol des armes qui serviront aux Nashoba. En bref, il est les yeux et les oreilles des contrebandiers, et un informateur précieux. David lui fait confiance pour ce job, et même si Nick n'a pas vraiment d'atome crochu avec leur chef, il prend sa mission au sérieux. Un respect mutuel s'est établi entre ces deux-là. Nick n'est vraiment pas du genre à poser problème... jusqu'à ce que le vent tourne et qu'il décide qu'il aurait mieux à faire ailleurs. Mais pour le moment, sa place était au sein des contrebandiers.

Alors celle de Narcisse y était aussi.

Forcément, le Gris a fait des rencontres. De l'insupportable Riza à l'idéaliste Soraya (bah oui, que voulez-vous, jamais le Monarque ne retournera dans le désert à ses côtés !). Les chevaux de la ville sont bien plus bavards que ceux du repaire, on dirait. Et bien moins supportables. Narcisse préférerait cent fois un cheval trop arrogant à un cheval trop sympathique. Quoi qu'il les aurait sans doute remis tous les deux à leur place.

En plus, il passe sa journée à l'attache. Alors certes, il a une sorte de petit abri sur le côté du saloon, qui donne une vue directe sur la barre d'attache mais où il peut quand même s'en cacher, mais ça ne change rien aux faits. Le Gris a besoin de bouger, et il déteste rester immobile. Surtout qu'avec son travail, Nick a bien moins besoin de le monter. Alors Narcisse passe souvent du temps dans un des enclos de la ville. Et il déteste ça, parce qu'on y met souvent d'autres chevaux.

Alors en plus d'être insupportable, Narcisse ne tient pas en place. Il renâcle, il tape du pied, il claque des dents. Rien n'y fait, forcément. Mais ça l'aide à garder la tête froide. Ce sont des tics qu'il a amassé au fil des ans ; et ils ne vont pas en s'arrangeant.

En bref, la ville, ça craint.

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But/Objectifs : Avoir la paix serait un bel objectif, j'imagine. Narcisse n'a pas envie de côtoyer les autres, et il n'a pas envie de réaliser de grandes choses non plus. Personne ne croit en lui, alors pourquoi devrait-il se sentir capable de quoi que ce soit ? Il ne se croit pas vraiment bon à rien, mais disons qu'il se sait suffisamment néfaste pour les autres pour vouloir les éviter à tout prix. Et que vaudrait de grandes choses si personne n'en bénéficie, de toute façon ? Non, il se contente plutôt d'assister son cavalier en cas de besoin, et d'éviter les autres le reste du temps. Ça c'est un bel objectif : avoir la paix.

Et ne pas blesser trop de gens au passage. Bah ouais, il a pas un mauvais fond vous savez. Mais il se gardera bien de l'admettre.

Narcisse est beau. Ouais, c'est un fait.

Il est grand pour son croisement, toise le mètre 73. Il est bien proportionné, harmonieux, fin mais légèrement musclé. Taillé pour la distance sans pour autant manquer de robustesse. En somme, c'est un cheval de selle qui sait se montrer assez polyvalent, ce qui leur est bien utile, à Nick et lui. Les kilomètres ne lui font pas peur, et l'endurance est une de ses principales qualités, bien qu'il n'ait eu l'occasion d'entraîner cette faculté que depuis qu'il est à Goldfield et qu'il revient régulièrement au Repaire faire ses rapports. Les voyages ne l'effraient pas, marcher, galoper, il sait faire. Ce qu'il sait bien moins faire, c'est rester en place. De par sa carrure fine et son caractère agité, Narcisse a développé des muscles somme toute nerveux, faits pour réagir au quart de tour. Il peine à rester en place, piétine d'impatience et bouge sans cesse. Il a malgré tout le pied sûr, mais c'est pas le genre de cheval qu'on a envie de mener sur un étroit sentier de montagne ; du moins pas sans bien le connaître.

Narcisse, il a aussi hérité de l'élégance de ses parents. Entre la carrure fine et légère de sa mère, Pur Sang Arabe, et la carrure musclée et harmonieuse de son père, Pur Sang Espagnol. Il a gagné l'encolure musclée des Espagnols, la musculature puissante, rendue plus fine par la légèreté de sa mère. Oh, Narcisse a vraiment une jolie carrure. Des jambes solides mais fines, un poitrail large et puissant, un dos bien droit. Le tout, tout en légèreté.

La robe de Narcisse est somme toute assez simple, mais tout en contraste. Sur le gris clair, à peine plus sombre que celui de sa mère, se dessinent des mouchetures noires, sur le dos. Ses membres haut-chaussés de noirs rendent écho à son visage trempé de nuit. Ses naseaux baignent dans les larmes sombres d'un regard sans pitié.

Deux yeux sombres. C'est comme ça que je décrirais Narcisse : deux yeux sombres. En réalité, ils sont gris foncé, mouchetés de traces plus claires, de sorte que c'est un véritable ciel étoilé qui s'y dessine. Pourtant, pour les décrire, je ne vois que ça : deux yeux sombres. Oh s'il avait été le poulain joyeux et enjoué qu'une vie sauvage aurait sans doute fait de lui, les étoiles y danseraient sans doute mille danses endiablées ! Mais non. Les yeux de Narcisse sont cruellement inexpressifs, ou tout au mieux, froids et distants. Curieusement, je les trouve assez tristes, ces yeux : ils rappellent à quel point on peut se sentir seul, sous le couvert d'une nuit sans lune. Et c'est bien là toute l'ironie du sort : l'écho à la solitude. Cette solitude qui l'a tant accompagné, toute sa vie durant, et qui est devenue tellement rassurante pour lui aujourd'hui.

Peut-être qu'un jour, ces deux yeux sombres brilleront de mille feux.

Peut-être.

Mais pour le moment, on n'y perçoit que cette cruelle solitude, masquée par une froide indifférence. Pas le genre de regard qu'on a envie de soutenir bien longtemps, en somme.

Il ne s'est pas passé grand chose de spécial dans la vie de Narcisse, peu de choses l'impactent réellement. Il a emménagé en ville peu avant la construction du barrage, où Nicklaus, son cavalier, tient le Red Dog Saloon et laisse traîner ses oreilles pour informer les Black Bullets de tout ce qui pourrait les intéresser. Nick les a d'ailleurs maintenu au courant de l'avancée des travaux du barrage, puis a été d'une aide précieuse pour les attaques de convois ; notamment lors du vol des armes destinées aux Nashobas. En bref, c'est un informateur clef, mais il se laisse porter au fil des commérages pour le moment.

MAJ août 2022 : Rien de bien nouveau sous le soleil. Narcisse a fait des rencontres, en a regretté beaucoup, et son p'tit univers s'effiloche tout doucement. Il se rend compte qu'il est dans une impasse, qu'il n'aura jamais le choix de rester auprès des humains ou de partir parce qu'il n'a jamais appris à survivre comme un cheval sauvage, et qu'il a trop de fierté pour demander de l'aide. Puis bon, vu son caractère, qui l'aiderait, hein ?

Quant à Nicklaus, eh bien, le train train quotidien pour lui aussi. Ses oreilles traînent, des infos circulent, des relations se tissent peu à peu et la plupart sont bénéfiques à sa petite mission, vous voyez. Il crée petit à petit sa réputation... et son réseau.

MAJ août 2023 : Ces deux dernières années, ce sont celles du changement, pour Narcisse ! Enfin... de l'évolution. Tout d'abord, il a pu mettre certaines choses au clair avec sa mère, Pandora. Il s'est rendu compte qu'il s'était monté la tête tout seul ; Pandora n'a jamais regretté sa venue au monde, seulement ses circonstances. Ils se sont promis de réapprendre à se connaître, même si le Gris est toujours un peu amer sur la question. En Ville, le Gris s'est un peu plus rapproché de Riza, la jument d'un officier du Shérif. Au début, elle l'agaçait sérieusement et il la trouvait beaucoup trop naïve, et puis... À force de la croiser, il a fini par s'habituer à sa candeur et à son insouciance. Il s'est petit à petit découvert une envie de la protéger, même s'il se garde bien de l'avouer... Elle lui tape toujours autant sur les nerfs, voyez-vous ! Son quotidien a ensuite changé quand un nouveau serveur, Pierce, a été engagé au Red Dog Saloon et est venu y vivre... avec son cheval, Taogan. Heureusement, le grullo n'est pas trop envahissant, même s'il semble persister à tenter de se rapprocher du Gris... Par contre, Narcisse n'a pas très bien pris le fait qu'il se rapproche de Riza et qu'ils s'entendent bien. À quel point est-ce qu'ils sont proches, d'ailleurs ? Il y a comme un peu de jalousie dans l'air...

Du côté de Nicklaus aussi, c'était deux ans de changement. Il a découvert que le Maire s'apprêtait à renforcer la sécurité des convois de marchandise en les faisant escorter par des volontaires. Dès lors, il a filé au Repaire du plus grand galop de son cheval pour s'assurer que personne ne prenne de risques inutiles. Il a convenu avec David d'un plan d'action : engager un mercenaire que seul Nicklaus connaîtrait (pour ne pas mettre en danger tout le groupe) et qui serait chargé de faciliter les vols de marchandise par quelque moyen que ce soit (droguer le reste du convoi ne devrait pas être si difficile à faire que ça, non ?). Aussitôt dit, aussitôt fait. Nicklaus a d'abord affiché quelques avis de recherche pour un serveur, histoire d'apprendre à connaître les gars qui se présenteraient à lui. L'un d'eux, Pierce, s'est rapidement détaché du lot. Il est intelligent, perspicace, et devrait pouvoir leur filer un coup de main digne de ce nom... Restait à savoir à quel point il serait loyal ou pas... Mais quand des sentiments réciproques s'en mêlent, la loyauté n'est plus une question, n'est-ce pas... ? Le voilà désormais impliqué dans leurs manœuvres ! C'est bien la veine du Contrebandier qui, en parallèle, s'était rapproché de Jean, l'officier du Shérif. Au début, ce n'était que professionnel (le blond est naïf et assez facile à amener sur les sujets sensibles), mais peu à peu, Nicklaus a fini par apprécier sa compagnie. Il se retrouve donc dans une position délicate ; deux hommes désirés, dont un qui lui est loyal notamment grâce à ses sentiments... Mais heureusement, Pierce ne semble pas très pressé qu'il fasse un choix ; selon ses dires, l'Allemand pouvait très bien profiter de la compagnie des deux... ! Quant à Jean... Se rapprocher de lui n'est de toute façon pas la meilleure idée qui soit. Que se passerait-il s'il découvrait que Nicklaus est un Contrebandier et qu'il espionne pour leur compte depuis tout ce temps ? Mais l'Allemand pourra-t-il résister à ses sentiments ? Difficile à dire...

En parallèle, Nicklaus s'attèle au deuxième grand projet des Black Bullets : agrandir le Red Dog Saloon en construisant une écurie à côté. Au début, l'Allemand souhaitait seulement construire un box pour Narcisse, qui s'est fait une petite joie en fuguant, et a demandé l'autorisation à David... Qui lui a carrément demandé s'il était envisageable qu'il construise toute une écurie ! Bon baaah... L'année dernière a été consacrée à ça ! Ainsi, les voyageurs séjournant au Red Dog pourront avoir leurs chevaux juste à côté d'eux ! Voilà qui devrait les motiver à choisir le Red Dog plutôt que la concurrence ! Et maintenant, il va falloir sérieusement se pencher sur la question des messages urgents ; galoper à fond de train jusqu'au repaire en cas d'urgence ne passerait pas toujours inaperçu aux yeux de la ville...